La réforme du curriculum et des programmes, plus de quinze ans après les états généraux sur l'éducation

L’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) est fière de présenter ses observations concernant des réformes du curriculum et des programmes, quinze ans après les États généraux sur l’éducation. L’ACSAQ félicite le Conseil supérieur de l’éducation pour s’être attaqué à ce sujet important et opportun dans son étude et rapport biennal.

La portée et l’importance de la réforme du curriculum et des programmes entreprise au Québec (ci-après dénommée « la réforme ») ne sauraient être sous-estimées. Quatre années se sont maintenant écoulées depuis que la première cohorte d’élèves a complété ses études de la maternelle jusqu’au secondaire 5 sous cette réforme. Assurément cela est une période suffisante pour que les deux ministères (le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et sa ministre Marie Malavoy et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie et son ministre Pierre Duchesne), de même que l’Assemblée nationale et les acteurs du réseau de l’éducation, d’entreprendre une réflexion approfondie concernant les succès et les lacunes de la réforme.

L’ACSAQ a sondé des représentants des services éducatifs des neuf commissions scolaires membres pour développer les réponses ci-dessous. Il convient de noter que les commissions scolaires anglophones du Québec sont très diversifiées en termes de leur taille, leur géographie, leur situation démographique et leurs orientations. Donc, les approches en ce qui a trait à l’application du curriculum et du déploiement des ressources disponibles peuvent varier grandement d’une commission scolaire à une autre. Cela étant dit, presque tous les acteurs du réseau de l’éducation publique anglophone au Québec s’accordent pour affirmer que notre système a une vision d’ensemble à propos de l’enseignement et de l’apprentissage, qui non seulement transcende ces différences, mais est fondée sur cette diversité.

Cette vision pourrait se résumer ainsi : « We teach the child, not the subject ».

Il s’agit d’une vision se trouvant au cœur même de cette réforme québécoise du curriculum, audacieuse et reconnue à l’échelle internationale, effectuée il y a quinze ans. Avant d’aborder les questions précises posées par le Conseil supérieur dans son document de consultation, l’ACSAQ aimerait prendre un moment pour souligner le caractère ambitieux et courageux de la réforme. Dans un monde confronté à des changements constants, ceux qui ont conçu la réforme ont compris que nos élèves allaient avoir besoin d’un modèle d’apprentissage et de développement radicalement modifié pour suivre le rythme de ces changements.

La reconnaissance de cette réalité était un point de départ important. Un plan de mise en œuvre cohérent et inclusif aurait dû suivre. C’est justement au niveau de la mise en œuvre que l’ACSAQ a identifié les difficultés principales et les plus troublantes. Plusieurs problèmes ont caractérisé les premières quinze années la mise en œuvre de la réforme, parmi lesquelles : des lacunes importantes en ce qui a trait à la communication et à la consultation auprès des parents, des changements fondamentaux effectués en cours de route pour ce qui est des méthodes d’évaluation, de même que des rapports à soumettre et du développement des matières scolaires, des degrés divers d’appuis politiques, d’occasionnels changements de cap.

Les conséquences, décrites ci-dessus, ont amené l’ACSAQ à formuler l’observation générale suivante au sujet de la réforme, quinze ans après son initiation :

L’ACSAQ est d’avis que la réforme s’est avérée une initiative pour l’essentiel positive et importante, bien appuyée par la recherche pédagogique, mais dont le succès a été entravé par des changements souvent non fondés en ce qui a trait aux modes d’évaluation et des exigences reliées aux bulletins, des adaptations motivées par des considérations politiques plutôt que pédagogiques et une incapacité persistante de rallier les acteurs scolaires, à savoir les parents et même les enseignants, dans le but d’appuyer le processus.

Sur la base du bilan global ci-dessus et dans le but d’éventuellement améliorer la qualité et l’accessibilité des programmes d’études dans les écoles que nous desservons, l’ACSAQ offre les réponses précises suivantes aux questions posées par le Conseil supérieur :

1. Les fondements de la réforme de l’éducation

1.1 Quinze ans plus tard, les orientations et les fondements évoqués dans la première partie du document d’information et de consultation sont-ils toujours valables et pertinents?

Les principes philosophiques et de développement sur lesquels la réforme est fondée sont le fruit de la recherche. Ils sont tout autant, sinon plus, applicables aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a quinze ans. L’éducation de l’enfant dans son ensemble correspond à la vision qui unit nos commissions scolaires. Cela étant dit, la mise en œuvre et le soutien de ce concept n’ont pas toujours été chose facile.

Nos responsables de l’éducation continuent de préconiser et de favoriser le perfectionnement professionnel selon les principes de la réforme. Cela étant dit, cette position n’a pas été adoptée par tous les enseignants, les parents ou les dirigeants politiques en place. Conséquemment, la formation pour les enseignants et le soutien des acteurs du réseau de l’éducation n’ont pas toujours été à la mesure de l’envergure ambitieuse de la réforme elle-même. Des changements non justifiés d’un point de vue pédagogique quant à l’évaluation et les bulletins durant la période de la réforme jusqu’ici se sont aussi avéré d’importants écueils à sa mise en œuvre réussie.

1.2 Aujourd’hui, votre organisation adhère-t-elle à ces orientations et à ces fondements?

La réponse est « oui ». La réussite des élèves doit être un concept à la fois large et inclusif, qui nous appelle tous comme éducateurs à établir pour chaque enfant, peu importe son potentiel, les conditions optimales pour apprendre et s’épanouir. Bien entendu, ces conditions doivent inclure des évaluations rigoureuses, de même que des objectifs mesurables et communs pour l’acquisition du contenu et des compétences. La réforme, malgré ses lacunes importantes, mérite toujours notre soutien.

Ainsi, le Conseil supérieur aurait tout à gagner d’examiner ces lacunes et de déterminer quelles améliorations pourraient être apportées. Quelques-unes de nos commissions scolaires ont offert des observations spécifiques sur des sujets individuels en répondant à diverses questions, dont celle ci-dessus. Voici certaines de ces observations :

  • En ce qui a trait à l’éducation des élèves ayant des besoins particuliers, l’apprentissage basé sur des projets et l’approche transversale ont été, règle générale, adoptée.
  • La réserve des enseignements et, par ailleurs, des parents à l’égard de la réforme a été probablement la plus aigüe en ce qui concerne le curriculum des mathématiques aux niveaux primaires et secondaires. Dans ce cas, le passage de l’apprentissage du contenu à celui basé sur les compétences a été particulièrement mal reçu.

2. Les réformes du curriculum et des programmes au préscolaire, au primaire et au secondaire

2.1 Le contenu des grilles-matières du primaire et du secondaire ainsi que leur évolution depuis 1997 répondent-ils aux visées de formation poursuivies aujourd’hui, en 2013?

Non. Notre réseau se soucie grandement de la façon boiteuse et mal définie que le temps est alloué aux différentes matières à enseigner. Le nombre d’heures allouées à l’enseignement n’est pas considéré suffisant pour rencontrer les résultats escomptés du programme en ce qui a trait à la pensée critique, la résolution de problèmes et, de manière plus générale, le développement transversal.

Les inquiétudes par rapport à certains sujets incluent :

  • Le nombre d’heures allouées à l’enseignement des sciences au primaire n’est pas suffisant pour le développement des compétences scientifiques des enfants et de leur intérêt éventuel pour une carrière dans ce champ.
  • Des contenus complémentaires, mais nécessaires, tels que l’éducation sexuelle et les programmes d’éducation antidrogues, ne peuvent pas être facilement donnés de façon transversale et non prescriptive.
  • Il existe un écart qualitatif manifeste favorisant la formation professionnelle sur le contenu et les approches de la réforme au niveau primaire, avec un manque d’attention à l’égard de la mise en œuvre de la réforme au niveau secondaire.
  • L’alphabétisation de la petite enfance est une compétence à laquelle on doit donner une plus grande priorité. La réussite scolaire et le développement des élèves en dépendent.
  • Des plaintes persistantes ont été formulées à propos du peu de temps alloué et du contenu trop ambitieux pour ce qui est des programmes d’histoire, de géographie et d’éducation à la citoyenneté, au primaire ainsi qu’au secondaire.

 

2.2 Commentez la mise en œuvre des trois phases de production du Programme de formation de l’école québécoise : (a) élaboration par des comités (b) appropriation par le personnel scolaire et (c) implantation dans l’ensemble des écoles, publiques ou privées.

Dans le cas de chacune de ces trois phases, notre réseau manifeste des inquiétudes sérieuses. D’abord, la plupart des membres de notre réseau auraient soutenu l’intention légitime de concevoir les programmes de la réforme « de façon à occuper environ 75 pour cent du temps prévu afin que les enseignants aient la marge de manœuvre nécessaire pour en enrichir ou en adapter les contenus selon les besoins des élèves. » Cette intention s’est avérée irréaliste. Souvent, les enseignants ont rendu compte de leur difficulté de se conformer aux exigences du curriculum à la fin de l’année scolaire. Cette préoccupation récurrente est peut-être symptomatique des difficultés qui ont compliqué la mise en œuvre de la réforme ces quinze dernières années. Plus précisément :

(a) Élaboration par des comités

Il existe, au sein de notre réseau, un fort sentiment que les comités sur les domaines d’apprentissage, bien que faisant du bon travail, œuvrent isolément. La conséquence est un manque de cohésion horizontale au sein de la même année scolaire, ainsi qu’un manque de cohésion verticale d’une année scolaire à l’autre et d’un cycle à l’autre. Ainsi, la préparation des enseignants et leur présentation de la matière, de même que la capacité des élèves à se préparer d’un niveau à l’autre et de comprendre la pertinence du contenu, étaient tous potentiellement compromis.

Les enseignants se sont rarement vus offrir une opportunité réelle de piloter et valider des programmes. L’évaluation des programmes n’était pas intégrée dans leur développement, ce qui représente une difficulté majeure, exacerbée par les changements majeurs aux évaluations qui ont été introduits à des intervalles divers et soudains au cours des quinze dernières années. Chacune de ces difficultés a rendu plus difficile pour les enseignants l’exercice de leur autonomie professionnelle, qui était au cœur de la philosophie de la réforme, un concept que d’ailleurs nous soutenons toujours.

(b)  Appropriation par le personnel scolaire

Les domaines généraux de formation ne sont généralement pas utilisés par les enseignants dans l’atteinte d’un des principaux objectifs de la réforme, soit le lien du contenu et des compétences à des situations réelles. La formation des enseignants initiée par le MELS est devenue un échiquier d’intensités, de pertinences et d’approches variables. Il y a eu peu de soutien pour la création souhaitée d’une approche harmonieuse entre niveaux scolaires et cycles. La stratégie d’utiliser des « agents multiplicateurs » n’était pas, selon nous, efficace.

Encore une fois, et nous ne pouvons trop le souligner, le progrès qui a été réalisé, même dans le contexte des défis décrits ci-dessus, a été sérieusement compromis par des changements soudains (et peut-être motivés politiquement) apportés aux évaluations. Les changements apportés aux régimes pédagogiques en ce qui a trait au bulletin et à l’évaluation des apprentissages allaient à l’encontre même des objectifs de la réforme. Cette approche déconnectée et inconsistante d’un point de vue pédagogique de l’évaluation a sans aucun doute démotivé les enseignants, les consultants et les administrateurs, tout en mystifiant les élèves et les parents qui devaient en profiter.

(c) Implantation dans l’ensemble des écoles, publiques ou privées

Curieusement, les premières années de la réforme ont été entravées par un manque de mesures d’évaluation adaptées, avec les échelles de compétences mises en œuvre cinq ans après le lancement de la réforme elle-même.

Au cours de la mise en oeuvre, la version anglaise des textes officiels était, d'une manière presque systématique, disponible avec un retard moyen de deux ans. Il s'agit là d'un manquement fondamental du MELS dans l'instauration de règles de jeu équitables pour l'apprentissage et le développement de tous les élèves du Québec. Heureusement, plus d'une décennie plus tard, ce problème institutionnalisé a été pour une grande part corrigé. Il est, à vrai dire, tout à l'hommage de l'esprit d'innovation et de la créativité de notre milieu anglophone d'avoir mis en place des matériaux et des approches adaptées durant cette période. Le taux de réussite relativement élevé de nos élèves démontre que nous avons été en mesure de tirer profit de cette situation intenable.

Encore un mot au sujet de l'évaluation et de son impact durant la période de mise en oeuvre: l'ACSAQ ne peut que déplorer le fait que le MELS continue d'abriter deux départements différents pour les programmes et l'évaluation - une métaphore regrettable pour les obstacles, les ambigüités et l'opposition qui ont caractérisé les premières quinze années de la réforme. Les programmes et leur évaluations sont inextricablement liés. De les considérer comme deux entités différentes n'est pas judicieux, c'est le moins qu'on puisse dire.

Les observations suivantes au sujet de l’implantation dans certaines matières spécifiques ont souvent été formulées :

  • Le programme histoire et éducation à la citoyenneté néglige beaucoup trop la présence et les contributions de la communauté anglophone du Québec, un état de fait qui bien entendu préoccupe grandement notre secteur et les élèves qu’il dessert. De plus, cette omission ne fait qu’ajouter à la suspicion qu’il y a ingérence politique dans le développement du curriculum.
  • La création de quatre cours de science et technologie au secondaire 4 est considérée par plusieurs comme un exemple additionnel de la complexité inutile de la réforme.

2.3 La Politique d’évaluation des apprentissages est-elle cohérente avec les visées des réformes? Cette politique est-elle connue et appliquée?

Un de nos conseillers pédagogiquese a noté, dans un commentaire partagé par plusieurs: "L,évaluation est devenue plus important que le curriculum en soit. La réforme visait à offrir aux élèves l'opportunité de participer activement à leur apprentissage et à encourager l'application de diverses méthodes d'enseignement. L'évaluation normalisée va à l'encontre de l'intention de la réforme."

Nous avons reçu un bon nombre de commentaires qui, en fait, louaient la politique originale concernant le document d'évaluation, mais à cela s'ajoute l'observation que dans le cas de plusieurs matières, le curriculum ne cadre pas bien avec les mesures d'évaluation de la politique. Les avis sont partagés, selon les commissions scolaires et d'un sujet à l'autre, quant au niveau de compréhension et de l'application ultérieure de la politique. Les préoccupations les plus fondamentales concernant la politique on été exprimées par les responsables du programme histoire et éducation à la citoyenneté. Ils ont noté un patchwork confus en ce qui a trait à l'évaluation de même qu'au programme qui brouille les frontières entre contenu et compétences, si bien que les enseignants se retrouvent avec des objectifs et des mesures d'évaluation souvent contradictoires.

2.4 En évaluation des apprentissages, quelle place devrait occuper le jugement professionnel du personnel enseignant?

Lorsque les échelles des niveaux de compétence, la progression des apprentissages et les cadres d'évaluation des apprentissages ont été créés, chacune d'elle offrait un soutien considérable aux enseignements dans la formulation de leur jugement professionnel. Cela représentait un point de départ important, mais le suivi nécessaire n'a pas été effectué. Conséquemment, la priorité donnée au jugement professionnel par la réforme est devenue une carte blanche pour l'interprétation individuelle. Qui plus est, le niveau de jugement professionnel approprié pour l'enseignement efficace d'une matière peut fort bien différer dans le cas d'une autre, un phénomène dont la politique ne prend pas en ligne de compte. Par exemple, les mathématiques se prêtent beaucoup plus à l'évaluation normalisée que l'histoire.

L'exercice du bon degré de jugement professionnel requiert de la formation, la validation par les pairs et, peut-être encore plus important, une compréhension de la part de tous les enseignants du cadre dans lequel ils effectuent ces jugements. Nos commissions scolaires membres continuent de trouver les moyens de fournir ces outils à son personnel enseignant, avec ou sans le soutien et l'encadrement du MELS.

2.5 Le bulletin unique, comme outil de communication, est-il cohérent avec la Politique d’évaluation des apprentissages et répond-il aux attentes des parents?

Non, le bulletin unique n’est pas cohérent avec la réforme. Le programme de formation de l’école québécoise n’a pas été conçu avec ce type d’évaluation en tête et il n’est pas bien desservi par lui. La notion de compétences est maintenant considérée et mesurée de façon inconsistante. La notion de l’apprentissage tout au long du cycle n’est plus évaluée. La pondération est réintroduite sans justification pédagogique claire. Enfin, l’inclusion du classement des élèves selon leurs notes est l’antithèse parfaite de la réforme.

Si les parents sont plus susceptibles de se retrouver avec ce bulletin et de le comprendre, cela ne va pas nécessairement rehausser leur habileté à jouer leur rôle essentiel de soutenir et de guider leurs enfants durant leur éducation. De certaines façons, nous payons le prix pour les manquements initiaux et à long terme de ceux qui ont conçu et appliqués la réforme d'avoir impliqués et soutenus les parents au tout début. Une partie de ce problème clé peut s'expliquer par l'ampleur et la complexité même de la réforme. Cependant, cela ne saurait absoudre ceux qui ont abdiqué leur devoir de faire des parents des partenaires plutôt que des spectateurs soupçonneux d'une réforme qui demeure un effort méritoire et noble.

2.6 L’environnement éducatif recherché dans le cadre de la réforme du curriculum (culture professionnelle collégiale, organisation en cycles d’apprentissage, leadership des directions d’école, marge de manœuvre du conseil d’établissement, etc.) est-il mis en œuvre?

La réalité de nos écoles, souvent petites et dispersées, représente des défis dans ce domaine. Les neuf commissions scolaires anglophones du Québec partagent la vision que le directeur d’école doit être le leader pédagogique de son établissement, avec le soutien de la réforme. Cette vision, toutefois, n’est pas facile à réaliser étant donné les lourdes responsabilités imposées aux directeurs d’école. L’évaluation continue des enseignants et des pratiques en classe est un élément important de la mise en œuvre de l’environnement éducatif recherché, mais il est coûteux en temps. Quant aux conseils d’établissement, certains sont moins bien équipés que d’autres pour bénéficier pleinement de la latitude qui leur est offerte de se prononcer sur la réforme. La structure des cycles d’apprentissage a ouvert la voie à une collégialité et un partage des meilleures pratiques plus efficaces. Cela dit, la réintroduction des niveaux scolaires a rendu les cycles moins pertinents.

3. Les réformes du curriculum et des programmes d’études à l’éducation des adultes 

3.1 Le curriculum, constitué de la formation de base commune et de la formation de base diversifiée, prend-il en considération les besoins propres des adultes et leur façon d’apprendre?

En ce qui a trait au tronc commun d'apprentissage, d'admettre la modification au palier local des programmes permet de rencontrer les besoins divers des élèves d'âge adulte. Il convient tout à fait que les curriculums de la formation de base et le temps alloué soient axés sur l'objectif de soutenir les élèves dans l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. Il s'agit là du "besoin" le plus important selon les élèves eux-mêmes. Cela étant dit, la réforme n'a pas été en mesure de répondre aux besoins des élèves plus faibles qui sont passés du secteur des jeunes à l'éducation des adultes, et pour qui l'approche de renouvellement n'a pas fonctionné. L'approche socioconstructiviste de l'enseignement est intéressante, mais elle requiert plus de temps et de formation pour la mener. Compte tenu de ces contraintes, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que les réalisations décrites dans la réforme se produisent.

3.2 Quels sont les impacts des reports de l’implantation obligatoire du curriculum et des programmes d’études à l’éducation des adultes?

Le temps qu'il a fallu pour rendre le curriculum obligatoire a eu un effet négatif sur sa mise en oeuvre. Les enseignants et les administrateurs sont limités le caractère non obligatoire des programmes qui élimine tout incitatif à aller de l'avant. Au contraire, il créé davantage de résistance. L'intégration des technologies dans la formation de base diversifiée est entravée par le fait que les évaluations n'incluent ni ne permettent l'utilisation des technologies qui sont omniprésentes dans notre quotidien. Les politiques d'évaluation en ce qui a trait aux technologies de l'information et des technologies sont désuètes.

3.3 Le personnel scolaire et en particulier le personnel enseignant sont-ils préparés à faire face aux changements proposés au secteur des adultes par le nouveau curriculum et les programmes d’études revus?

Certains enseignants sont prêts et enthousiastes. D'autres ont opté de ne pas modifier leur façon de faire en classe. Il y a un besoin constant de soutenir les enseignants pour ce qui est de la formation continue. Règle générale, les enseignants plus jeunes sont plus enclins à épouser les changements proposés, alors que les plus expérimentés le sont moins.

3.4 Quelles sont les conditions d’une mise en œuvre réussie des réformes du curriculum et des programmes d’études à l’éducation des adultes?

Les conditions nécessaires incluraient un soutien financier solide pour la formation des enseignants et le perfectionnement professionnel, de même qu’une distribution cohérente et soutenue d’outils nécessaires pour favoriser la mise en œuvre des programmes. Une stratégie de déploiement progressif ne fait qu’affaiblir l’élan menant au changement. Il doit y avoir une vision bien définie, soutenue par le MELS et les acteurs du réseau de l’éducation. De plus, il est essentiel que le secteur des jeunes ainsi que celui des adultes en viennent à une compréhension de la prestation des programmes et des approches complémentaires aux élèves qui passent d’un secteur à l’autre. Une collaboration entre les deux secteurs à ce sujet est tout aussi importante.

4. Le bilan que trace votre organisme au sujet des réformes du curriculum et des programmes ainsi que de leur mise en œuvre au préscolaire, au primaire et au secondaire

4.1 Quel bilan votre organisme trace-t-il de la réforme du curriculum et de celle des programmes?

Comme nous l’avons souligné plus tôt, l’ACSAQ demeure attachée aux principes et aux orientations générales de la réforme. Le bilan qu’elle dresse des premières quinze années est mitigé, les problèmes majeurs étant le caractère trop complexe et ambitieux de la réforme, le décalage important entre les programmes et leur évaluation, de même qu’une défaillance dans la communication des objectifs de la réforme aux acteurs du réseau de l’éducation, tout particulièrement les parents.

Les préoccupations les plus courantes et les plus persistantes concernent les programmes de mathématiques, de sciences, ainsi que de l’histoire et de l’éducation à la citoyenneté. Nous reconnaissons que la réforme a coïncidé avec une amélioration mesurable du taux de réussite des élèves du secondaire. Notre organisation préconise la création d’un parcours de formation axée sur l’emploi, qui a contribué à l’objectif important, et trop souvent négligé, de promouvoir d’autres options postsecondaires, notamment dans le domaine de la formation professionnelle.

4.2 Quels sont les principaux leviers sur lesquels les milieux ont pu s’appuyer?

LEARN Québec, le consortium sous l’égide des commissions scolaires anglophones qui offre des curriculums et du matériel d’apprentissage par voie électronique, s’est avéré une source essentielle de soutien durant la mise en œuvre de la réforme, son rôle étant rendu d’autant plus déterminant par le besoin de combler les lacunes occasionnées par les délais de livraison des manuels et autres outils d’enseignement en langue anglaise. Le réseau RÉCIT a aussi joué un rôle très important.

Des ateliers locaux conçus par le personnel des services éducatifs de toutes les commissions scolaires ont aussi fourni un soutien primordial. Bien que les contraintes financières et de temps soient énormes, nos commissions scolaires tiennent à continuer de faire de la formation professionnelle une priorité. Nos commissions scolaires sont déterminées à appuyer les fondements de la réforme, ainsi que les approches différenciées et fondées sur la recherche de l’apprentissage. Conséquemment, notre approche collective aux conventions de partenariat ainsi qu’aux conventions de gestion de réussite éducative a été de s’aligner sur les objectifs permanents de la réforme.

Ceci a incité nos commissions scolaires à favoriser la pratique de l’enseignement basé sur des données probantes, ce qui nous a aidés à relever la barre et préciser les attentes en ce qui a trait à la réussite des élèves. Des conseillers pédagogiques dans chacune de nos commissions scolaires ont joué un rôle très important dans ces processus.

4.3 Quels sont les principaux obstacles rencontrés tout au long de la mise en œuvre de ces réformes?

Comme nous l’avons déjà indiqué, le processus de mise en œuvre a été entravé par le fait que les parents ont été, dans une large mesure, oubliés. L’adhésion inégale des enseignants aux nouveaux programmes et approches a aussi compromis l’implantation efficace de la réforme, résultant à son application inégale dans les salles de classe. De plus, cette adhésion mitigée a rendu difficile la création d’équipes-cycles fonctionnant bien, comme envisagé par la réforme.

Les enseignants n’ont souvent pas eu assez de temps pour maîtriser les nouveaux programmes, souvent à la portée et l’ampleur trop ambitieuse. Il convient de noter que le manque de soutien global de l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec et de son homologue du secteur francophone a aussi ralenti la mise en œuvre de la réforme. Les changements au niveau de la bureaucratie et, bien entendu, du leadership politique au MELS ont été des facteurs négatifs additionnels.

Les examens « modèles uniques » du MELS au secondaire 4 et 5 sont devenus la norme; ce qui va complètement à l’encontre des orientations de la réforme. Donc, dans le cas de certaines matières, les enseignants inévitablement sont obligés d’enseigner en fonction du résultats que vont obtenir leurs élèves aux examens. Les changements constants apportés au programme d’histoire et la politisation de la révision actuelle et sa restructuration imminente sont une source de souci majeur. Le fait que l’avis des experts en histoire (ni des écoles ni des commissions scolaires) n’a pas été sollicité ne fait qu’ajouter à cette inquiétude.

Il faut signaler que plusieurs des difficultés que nous avons soulevées sont encore plus importantes au niveau secondaire, où la mise en œuvre progressive année après année a procédé de manière ah hoc plutôt qu’en se basant sur l’expérience et les meilleures pratiques au niveau primaire durant les années précédentes. Finalement, notre réseau s’est inquiété, tout au long des quinze premières années de la réforme, de l’absence presque totale d’interaction, d’échange et de planification mutuelle entre le secteur des jeunes et collégial. Cet état de choses nous a particulièrement déçus et, franchement, il devrait en être de même pour le secteur des cégeps. Après tout, les diplômés de la réforme devaient composer (et composent effectivement maintenant) la vaste majorité des élèves dans les salles de cours des cégeps. Est-ce que les programmes de la réforme ont bien préparé les élèves pour leurs études postsecondaires? Est-ce que le système collégial, avec ses propres programmes et approches d’évaluation, a pris en considération et s’est adapté à la réforme de manière importante? Ce sont là des questions qui importent grandement à la génération actuelle d’élèves, de même que celles du futur.

5. Les perspectives d’avenir des réformes du curriculum et des programmes au préscolaire, au primaire, au secondaire et à l’éducation des adultes

5.1 Que faut-il conserver?

En un mot, la vision et les orientations globales de la réforme devraient être maintenues, avec une attention continue et réaffirmée mise sur :

(i)  l’apprentissage axé sur les compétences;

(ii)  l’apprentissage centré sur l’élève et l’inclusion scolaire;

(iii)  les enseignants et les consultants travaillant ensemble au sein d’équipes-cycles ou d’équipes ministérielles pour amener les élèves à devenir des apprenants et des apprenantes responsables et autonomes sachant fixer leurs propres buts et jauger leur propre progrès.

La réalisation de cela va nécessiter un appui et un renforcement constants du programme de formation de l’école québécoise, avec des adaptations au niveau de l’exécution des programmes et de l’évaluation, cela suite à un examen pédagogique approfondi, des consultations auprès des professionnels et de la formation et des communications appropriées.

5.2 Que faut-il réviser?

Le cadre d’évaluation révisé a, malheureusement, remis en question les domaines généraux de formation. Conséquemment, plusieurs enseignants ne se réfèrent plus à cet aspect du programme de formation de l’école québécoise lorsqu’ils préparent leurs unités d’enseignement. La place des compétences transversales, maintenant nommées « compétences générales », a été réduite lorsque l’on fait rapport aux parents. Le résultat de cette décision est qu’elle a enlevé de la valeur aux compétences mêmes. La réduction des rapports de compétence aux parents a aussi minées sa portée. Par exemple, la réduction des compétences disciplinaires en éducation physique pourrait avoir un impact lorsque l’on enseigne aux enfants d’adopter un mode de vie « sain et actif ». La pondération des composantes des disciplines dans certains domaines n’est pas adaptée au programme. L’ambigüité en ce qui a trait à l’adhésion continue aux cycles et à leur relation avec les attentes annuelles de l’année scolaire est une source de souci pour ce qui est de toutes les matières. Ceci représente un problème auquel il faut s’attaquer sérieusement.

La réforme fait peu de cas de la question des technologies. Nos commissions scolaires ont, pour leur part, adoptés une panoplie d’initiatives et de stratégies pour aller de l’avant à ce sujet, mais le niveau et la direction et le soutien de la part du MELS devrait être augmenté. Les nouvelles technologies sont prépondérantes dans la vie de nos élèves. De leur porter une plus grande attention est certainement de mise à l’heure actuelle.

Des mesures additionnelles doivent être prises pour s’assurer que tout élèves, peu importe leur potentiel, aient la pleine opportunité d’apprendre et de se s’épanouir. La vision de la réforme soutien ce principe, mais les disparités demeurent. Par exemple, le programme « GOAL » (l’Approche orientant) est-il bien compris par les enseignants et est-il mis en œuvre d’une façon équitable de manière à bien accompagner les élèves alors qu’ils procèdent à leur choix de carrière? Est-ce que les élèves qui ont moins de facilité avec l’apprentissage des langues sont pénalisés par l’approche du Programme de formation de l’école québécoise, qui met beaucoup d’emphase sur les capacités linguistiques? Est-ce que les nombreux cours des mathématiques et sciences sont proprement adaptés aux capacités des élèves? Il s’agit là que de quelques questions importantes méritant une analyse plus poussée.

5.3  Que faut-il abandonner?

Il y a, au sein de notre réseau, un large consensus en faveur d’éliminer les pourcentages dans les bulletins à la maternelle et au primaire, de même qu’un appui substantiel pour leur élimination au secondaire 1 et 2 également. Plusieurs ont mis en doute la valeur pédagogique de l’actuelle pondération des sessions (20/20/60 pour cent). Encore une fois, dans quelle mesure ce changement est-il mieux aligné avec les exigences du programme, le style d’apprentissage des élèves ou les objectifs fondamentaux de l’évaluation? Ainsi que nous l’avons noté plus tôt, ces changements nous semblent motivés plus par des considérations politiques que des raisons pédagogiques.

En conclusion, l’ACSAQ espère que cette enquête importante du Conseil supérieur va s’avérer un pas important dans le cadre d’une révision étendue et, le cas échéant, une revitalisation de la réforme. Cette entreprise majeure, entamée il y a maintenant quinze ans, demeure pour nous un objectif digne d’être poursuivi et soutenu. De par sa nature même, l’enseignement est un travail d’enquête dynamique et exigeant. Ce processus inévitablement met des approches divergentes et des objectifs concurrents à l’avant-plan. Cette démarche est ardue, mais nécessaire si nous voulons offrir les services éducatifs rencontrant les défis d’une société en rapide mutation qui attendent nos élèves lorsqu’ils quitteront nos établissements scolaires.

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